Qui est le DRH 2030 ?

Comment adapter une démarche proactive pour préparer 2030 ?

Nous partageons avec vous l’approche de Gilles Verrier, ex DRH Philips, Elf et Unilever, Decathlon et co-dirigeant des masters RH de Sciences Po Paris pendant 10 ans et de Nicolas Bourgeois qui a dirigé les activités RH de cabinets français et internationaux et qui enseigne les RH au sein de plusieurs grandes écoles. Ils ont publié un livre en juillet 2021

« Les RH en 2030 » 30 pistes concrètes pour réinventer l’entreprise.

Pour l’entreprise, les transformations à venir sont d’une ampleur considérable, qu’elles soient économiques, technologiques ou sociétales. Elle doit anticiper dès aujourd’hui les futurs enjeux humains pour ne pas subir ce que son environnement lui impose.

Les objectifs RH des prochaines années vont devoir se concentrer sur des pistes concrètes et réalisables dès aujourd’hui :

  • L’entreprise créé de la valeur

L’entreprise traditionnelle considère l’homme comme un coût et une contrainte, en aucun cas comme une source de création de valeur. Mais aujourd’hui, les enjeux auxquels les entreprises doivent répondre ne sont plus les mêmes. La nature du travail a évolué. Le facteur humain prend une dimension nouvelle en se trouvant désormais au centre de l’équation qui permet à l’entreprise de créer de la valeur.

  • Elle fait vivre son nouveau modèle relationnel

Le modèle relationnel de l’entreprise doit être renouvelé. Pour que les organisations puissent répondre aux transformations de leur environnement, elles ont besoin de s’appuyer sur l’ensemble du potentiel d’action de ceux qui les composent. A cette échéance 2030, les enjeux auxquels doit répondre l’entreprise requièrent de développer l’autonomie et la responsabilisation des collaborateurs, afin qu’ils puissent déployer initiative et intelligence des situations. La confiance, condition de la coopération et de l’intelligence collective, est également nécessaire.

  • Elle se centre sur ce que vivent les collaborateurs

Si le levier humain devient effectivement le facteur clé de succès de l’entreprise du fait des mutations du travail, il n’est alors plus possible de l’appréhender avec un autre regard que celui des intéressés. En matière de RH, l’entreprise de 2030 se centre sur l’expérience vécue pas les collaborateurs. Elle a mise en place les dispositifs qui lui permettent de suivre ces perceptions dans leur diversité. Elle a notamment intégré dans son approche les ressentis des collaborateurs sur les mutations qui interviennent dans leur environnement professionnel en matière de rapport au temps et à l’espace de travail.

  • Elle a repensé son organisation

La conception traditionnelle de l’organisation de l’entreprise est aujourd’hui questionnée sur de multiples aspects. Ses frontières tout comme ses modes de fonctionnement sont mis en cause et bousculés par de nouveaux modèles, tant au regard de ses besoins que des possibilités ouvertes par les technologies. Or, l’organisation, au sens large du terme, est contingente : elle doit être définie à partir du projet qu’elle doit servir. Pour créer de la valeur, à partir du facteur humain, l’entreprise de 2030 aura agrandi son périmètre avec une approche intégratrice; Elle aura débureaucratisé son organisation de manière à démultiplier son agilité. Elle aura pensé l’usage de l’intelligence artificielle pour optimiser sa combinaison avec le potentiel humain.

  • Elle dispose des compétences requises

Transformer son positionnement, accroitre sa valeur ajoutée pour ses clients et autres parties prenantes, faire des mutations en cours des opportunités supplémentaires. Des compétences sont nécessaires pour répondre à ces enjeux. Au vu des mutations de la nature du travail, il deviendra d’ici 2030 de plus en plus possible pour une entreprise de faire la différence par rapport à ses concurrents à partir du socle de compétences qu’elle maitrise. Si l’entreprise veut réussir son projet, disposer des compétences requises devient donc une condition nécessaire, même si elle n’est pas suffisante. Elle doit donc anticiper celles dont elle aura besoin, s’assurer d’en disposer malgré un contexte de pénurie, d’instabilité et créer des conditions nouvelles pour les développer.

  • Elle capitalise sur tous les collaborateurs

Pour faire face aux enjeux business d’une difficulté croissante, l’entreprise devra impérativement tirer le meilleur de chacun de ses collaborateurs en 2030. Cela nécessitera de modifier en profondeur sa gestion des ressources humaines. Elle devra en effet poursuivre des objectifs contradictoires en apparence. Il s’agira à la fois pour elle de mieux gérer l’ensemble de ses salariés tout en différenciant son approche selon les populations. Pour cela, elle veillera à maximiser l’employabilité de ses collaborateurs et à créer les conditions pour que le potentiel de chacun puisse s’exprimer. Mais elle devra également mettre en place une gestion spécifique des populations à forte valeur ajoutée.

  • Elle maximise la performance

En 2030 la performance sera plus que jamais l’enjeu central pour l’ensemble des acteurs de l’entreprise, au regard des pressions croissantes et de son environnement. Gage de sa pérennité, cette performance sera de plus en plus difficile à garantir. La DRH devra redéfinir l’articulation entre performance individuelle et performance collective, positionné l’épanouissement au travail comme source de son efficacité et repensé dans leur ensemble son management de la performance et celui de la rémunération.

  • Elle a repositionné les acteurs

Les acteurs de l’entreprise, qu’il s’agisse des collaborateurs, des managers, des partenaires sociaux font l’objet de critiques régulières. Ce seraient leurs dérives individuelles qui expliqueraient les dysfonctionnements. C’est oublier que ces acteurs sont conditionnés par le système organisationnel et culturel dans lequel ils ont appris à interagir. Dans un modèle en mutation, ils continuent, bon gré mal gré, à jouer  le rôle qui leur était assigné par le passé, avec un « effet-retard ». Seule une démarche volontariste de la DRH peut permettre de comblé ce décalage en repositionnant les acteurs. Ses initiatives doivent faire émerger un rôle radicalement différent du collaborateur dans les chantiers de transformation, une mutation de la fonction des managers ainsi que la construction de relations d’une nouvelle nature avec les partenaires sociaux.

  • Elle a optimisé sa gestion RH grâce aux technologies

Les défis que devra relever la fonction RH d’ici 2030 lui imposent de repenser ses activités de gestion. A défaut, elle ne disposera pas des moyens ni du temps nécessaire pour créer toute sa valeur potentielle et restera sur ses terrains traditionnels. En optimisant ces activités et en repensant ses façons de faire, elle pourra même produire dans ces domaines une « performance augmentée ». Cela suppose qu’elle poursuive la rationalisation de ses activités administratives, déjà bien engagée, qu’elle reconfigure ses processus au regard de ce que les technologies apportent désormais. Elle pourra alors capitaliser sur les données pour enrichir son approche via l’analytique RH.

  • Elle a réinventé la fonction RH

L’ensemble des thèmes développés ci-dessus dessinent pour 2030 une fonction RH très différente de celle d’aujourd’hui. Pour autant, cette mutation ne s’opérera pas d’elle-même. Elle suppose de la part des RH une démarche volontariste pour se réinventer. Si ce métier a su s’adapter au contexte actuel dans de nombreuses entreprises, rares sont celles où une mue d’une telle ampleur est aujourd’hui anticipée et préparée. Pour y parvenir, elle devra capitaliser beaucoup plus que par le passé sur son écosystème interne et externe. L’expérimentation et l’innovation en continu deviendront un de ses modes d’actions récurrents, ce qui lui permettra de se forger une nouvelle identité.